Alors que l’activité économique se poursuit dans le contexte de la crise sanitaire, le chef d’entreprise est confronté à de nombreuses règlementations. Le risque de voir sa responsabilité pénale engagée plane et mérite d’être clarifié.

QUELLES SONT LES OBLIGATIONS DU CHEF D’ENTREPRISE DANS LE CONTEXTE DE LA PANDEMIE ?

L’employeur a une obligation de sécurité : il se doit de protéger tant la santé physique que mentale des salariés (art. L.4121-1 et s. du Code du travail).

Il est tenu par les décrets prescrivant les mesures nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 :

  • Port du masque obligatoire
  • Distanciation sociale portée à 2 mètres
  • Désignation d’un référent Covid dans l’entreprise
    Les prescriptions sont détaillées dans le « Protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise» publié par le ministère du Travail.

L’employeur, pour assurer la santé et la sécurité des salariés, doit en plus :

  • Evaluer les risques avec la participation du CSE et du service de santé au travail et mettre à jour le document unique d’évaluation des risques (DUER) de l’entreprise (art. L.4121-3 du Code du travail), en y intégrant les mesures nécessaires à la limitation du risque de contamination.
  • Avoir recours au télétravail: l’employeur doit tout mettre en œuvre pour favoriser, lorsque cela est compatible avec la nature des postes exercés, le télétravail de ses collaborateurs.

LE CONTRÔLE DU BON RESPECT DE CES OBLIGATIONS

Le respect des conditions d’hygiène et de sécurité peut faire l’objet d’un contrôle de l’inspection du travail :

  • Si un manquement est constaté, elle peut adresser à l’employeur une mise en demeure de se mettre en conformité, à l’instar de la Direccte, dès lors qu’il s’agit d’une situation dangereuse.
  • Elle pourra dresser un procès-verbal qui sera transmis au procureur de la République.
  • En cas de risque sérieux d’atteinte à l’intégrité physique des salariés, elle pourra saisir le juge judiciaire en référé (art. L.4732-1 du Code du travail) afin qu’il ordonne sous astreinte de prendre toutes les mesures propres à faire cesser ce risque.

Le CSE (obligatoire dans les entreprises d’au moins 11 salariés) peut aussi :

  • Alerter l’employeur en cas de constatation d’un manquement en vertu de son droit d’alerte (art. L.2312-5 du Code du travail)
  • Saisir l’inspection du travail de toute plainte et observation relative à l’application des dispositions légales.

 

QUELS SONT LES RISQUES ENCOURUS PAR LE CHEF D’ENTREPRISE AU PLAN PENAL ?

 

  1. Le risque pénal en cas d’exposition du salarié à un risque de contamination :
  • Sanction du manquement à l’obligation de sécurité: amende de 3 750 €, appliquée autant de fois qu’il y a de salariés de l’entreprise concernés par l’infraction constatée (art. L.4741-1 du Code du travail).
  • Sanction du défaut d’établissement du DUER: amende de 1 500 € (art. L.4744-1 du Code du travail).
  • L’infraction de mise en danger de la vie d’autrui (art. 223-1 du Code pénal).
    Conditions : prouver la violation d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ; cette obligation doit être suffisamment précise. Cette infraction paraît difficile à retenir puisque l’obligation faite aux chefs d’entreprise de faire appliquer les « gestes barrières », posée par les seuls décrets, manque de précision. Une plainte déposée par la CGT et la CFDT contre Amazon pour mise en danger de la vie d’autrui a ainsi été classée sans suite, considérant que l’infraction n’était pas suffisamment caractérisée.
  1. Le risque pénal en cas de contamination du salarié au Covid-19 :
  • L’infraction d’atteinte involontaire à l’intégrité de la personne ayant causé une ITT supérieure à 3 mois (art. 222-19 du Code pénal) : peine allant de 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.
  • L’infraction d’homicide involontaire (art. 221-6 du Code pénal) : peine maximale de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.

Une preuve néanmoins difficile à rapporter : ces sanctions supposent d’établir « faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement » et surtout un lien de causalité certain entre la faute et la contamination au virus. Or, il ne sera pas simple de démontrer que le salarié a contracté la covid-19 sur son lieu de travail car la contamination peut résulter de différents facteurs.

Le juge tiendra compte de la nature des missions ou fonctions de l’employeur, de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait (art. 121-3 du Code pénal)Il examinera les mesures mises en place par l’entreprise : l’absence du recours au télétravail (si celui-ci était possible sur le poste du salarié), pourra être mise en lumière pour prouver le non-respect de l’obligation de sécurité.

  • L’infraction de non-assistance à personne en danger (art. 223-6 du Code pénal). Celle-ci exige une abstinence volontaire de l’employeur, ce qui apparaît de nouveau difficile à prouver.

Pour éviter tout risque de condamnation pénale, le chef d’entreprise doit se conformer aux mesures sanitaires, et réactualiser régulièrement les informations et les mesures dans l’entreprise, ainsi que s’en ménager la preuve afin de prévenir tout contentieux au pénal, mais également au civil.