L’ouverture d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) a pour conséquence la suspension des poursuites individuelles à l’encontre du débiteur.

Ainsi, toute action en justice de la part d’un créancier est en principe interdite ou interrompue lorsqu’elle tend à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.

Les créanciers disposent tout de même de la faculté de pouvoir recouvrer leur créance mais cette faculté est soumise à des obligations de déclarations et des délais impératifs à respecter.

Quelles sont les étapes et les obligations à respecter par le créancier pour obtenir le paiement de sa créance ?

La déclaration de créance à la procédure collective

En cas d’ouverture d’une procédure collective, les créances vis-à-vis du débiteur doivent faire l’objet d’une déclaration pour pouvoir être recouvrées.

Tous les créanciers titulaires d’une créance née antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective, à l’exception des créances salariales et des créances alimentaires, doivent déclarer leur créance, quel que soit le type de procédure (art. L.622-24, L.631-14, et L.641-3 du Code de commerce).

Les créanciers doivent aussi déclarer les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture (sauf celles mentionnées à l’art. L.622-17 du Code de commerce qui sont considérées comme « utiles » à la procédure).

Effet : La déclaration de créance interrompt la prescription jusqu’à la clôture de la procédure ; elle dispense de toute mise en demeure et vaut acte de poursuite.

Par qui est faite la déclaration ?

La déclaration est faite par le créancier ou par un préposé (en cas de délégation de pouvoir) ou tout mandataire de son choix, le créancier pouvant ratifier la déclaration faite en son nom jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance.

Si le créancier est une personne morale, c’est le représentant légal qui fait la déclaration.

A qui adresser la déclaration ?

La déclaration de créance se fait auprès de l’organe de la procédure :

  • En cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire, elle est adressée au mandataire judiciaire.
  • En cas de liquidation judiciaire, elle est adressée au liquidateur.

Aucune forme n’est exigée pour l’envoi de la déclaration. Elle est adressée en principe par voie postale. Il est préférable de le faire par LRAR. La preuve de son envoi peut se faire par tous moyens par le créancier.

 Le contenu de la déclaration :

La déclaration de créances doit mentionner certains éléments obligatoires (art. R.622-21 et s.) :

  • Le montant de la créance due au moment du jugement d’ouverture, l’indication des sommes à échoir et leur date d’échéance
  • La garantie dont la créance est éventuellement assortie
  • Le mode de calcul des intérêts en cours
  • Des éléments permettant de prouver l’existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d’un titre ; à défaut, si le montant de la créance n’a pas encore été fixée, la créance est déclarée sur la base d’une évaluation.
  • L’indication de la juridiction saisie si la créance déclarée fait l’objet d’un litige

A cette déclaration doivent être joints, sous bordereau, les documents justificatifs. Ceux-ci peuvent être produits en copie (exemples : copie de facture, de bon de commande ou de livraison).

Il faut y ajouter les éléments permettant l’identification du créancier déclarant (et du préposé ou du mandataire s’il déclare en son nom) ainsi que du débiteur (nom ou dénomination sociale, adresse ou siège social, numéro d’immatriculation au RCS, etc.).

Le délai de déclaration

Le délai de déclaration est de 2 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) : art. R.622-24 du Code de commerce.

  • Le créancier peut rectifier sa déclaration initiale tant que ce délai de déclaration n’est pas expiré.

L’absence de déclaration des créances dans ce délai, a pour effet de rendre la créance inopposable au débiteur jusqu’à la clôture de la procédure collective. Le créancier ne pourra donc recevoir aucun paiement dans le cadre de la procédure collective, il sera considéré comme forclos.

Si le créancier n’a pas déclaré sa créance dans les délais impartis : l’action en relevé de forclusion

En cas de non-respect du délai de déclaration de 2 mois, le créancier peut exercer une action en relevé de forclusion sous conditions.

Il doit démontrer l’une ou l’autre des conditions suivantes :

  • Le retard n’est pas dû à son fait
    • C’est le cas du créancier qui a dépassé le délai en raison d’une erreur de publication du Bodacc qui avait indiqué que celui-ci était de 4 mois alors que la loi le fixe à 2 mois.
    • Lorsque le débiteur a dissimulé au créancier être soumis à une procédure collective, dans le cadre d’une instance qui l’opposait à ce créancier.
  • Le retard est dû à une omission du débiteur lors de l’établissement par celui-ci de la liste des créances : le débiteur oublie d’en faire mention dans sa liste de créanciers.

L’action doit être exercée dans un délai de 6 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture. Le créancier doit saisir le juge-commissaire, qui peut être saisi par requête.

Point de départ du délai différent :

  • 6 mois à compter de la réception de l’avis pour les créanciers titulaires d’une sûreté publiée ou liée au débiteur par un contrat publié
  • 6 mois à compter de la date à laquelle il est établi que le créancier ne pouvait ignorer l’existence de sa créance

Exception : les créances postérieures privilégiées

En sauvegarde et en redressement : Les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance (art. L.622-17 du Code de commerce).

En liquidation : Les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire sont payées à leur échéance (art. L.641-13 du Code de commerce)  :

– Si elles sont nées pour les besoins du déroulement de la procédure ou du maintien provisoire de l’activité autorisé en application de l’article L. 641-10.

– Si elles sont nées en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant le maintien de l’activité ou en exécution d’un contrat en cours régulièrement décidée après le jugement d’ouverture de la sauvegarde ou du redressement, s’il y a lieu, et après le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire.

– Ou si elles sont nées des besoins de la vie courante du débiteur, personne physique.

Ces créances ne sont ainsi pas soumises à l’obligation de déclaration puisqu’elles devront être payées à l’échéance. Toutefois, si elles ne sont pas payées leur échéance, elles devront être portées à la connaissance de l’organe de la procédure (administrateur, mandataire judiciaire ou commissaire à l’exécution du plan ou liquidateur).

Et après la déclaration de la créance?

La procédure de vérification et d’admission des créances

Une fois déclarée, la créance sera soumise à vérification (existence, montant). Elles sont vérifiées par le mandataire, le débiteur voire l’administrateur, ou par le liquidateur en cas de liquidation.

Puis, le juge-commissaire décide si elles sont admises ou non au passif du débiteur, c’est-à-dire si elles sont prises en compte dans la répartition des dividendes arrêtée par le tribunal.

Le débiteur, le mandataire ou le liquidateur peuvent ensuite contester les créances déclarées. Dans ce cas, la contestation sera transmise au créancier qui disposera d’un délai de 30 jours pour y répondre. A défaut de réponse de sa part, il ne pourra plus contester la décision ultérieure se prononçant sur le rejet ou non de la créance.

Si la créance ne fait l’objet d’aucune contestation par le débiteur ou le mandataire judiciaire, celle-ci sera admise au passif.

Ce n’est qu’à compter de son admission au passif que le créancier pourra prétendre au paiement de sa créance qui interviendra selon le type de procédure collective et les modalités éventuellement arrêtées par le Tribunal (plan de sauvegarde / redressement ou plan de cession).

Le plan de sauvegarde et de redressement

L’aboutissement normal d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire est l’adoption d’un plan de continuation, qui a pour objet de permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et le paiement des dettes.

Etapes :

  • Un projet de plan est d’abord établi par le débiteur avec l’administrateur en cas de sauvegarde / par l’administrateur en cas de redressement. Celui-ci est élaboré en concertation avec les créanciers qui sont consultés soit collectivement soit individuellement sur les remises et délais de paiement.
  • Le tribunal adopte le plan de sauvegarde ou de redressement s’il existe une possibilité sérieuse pour l’entreprise d’être sauvegardée.
  • Le plan de sauvegarde ou de redressement prévoit le règlement de toutes les créances déclarées, même si elles sont contestées.

Dans le cadre de l’exécution du plan, le commissaire à l’exécution du plan procède à la répartition des dividendes. C’est ici qu’intervient le paiement des créanciers : ils sont payés conformément à ce qui a été adopté dans le plan, en fonction des éventuels remises et délais de paiement.

  • Que faire si le créancier n’est pas payé totalement à la fin du plan de continuation ?
  • Lorsque le plan est arrivé à son terme, le créancier, dont la créance admise n’a pas été totalement réglée, recouvre son droit de poursuite individuelle contre le débiteur : seules les sommes dues en vertu de ce plan ou des accords auxquels il se réfère peuvent être réclamées.
  • En cas de résolution du plan (échec) et d’ouverture d’une nouvelle procédure collective par le même jugement, les créanciers soumis à ce plan ou admis au passif de la 1ère procédure sont dispensés de déclarer leurs créances.

Le plan de cession en cas de liquidation

En liquidation judiciaire, il y a 2 possibilités : soit un plan organise la cession totale ou partielle de l’entreprise, soit il y a une vente isolée des actifs de la société.

La finalité de la réalisation de la liquidation est de payer les créanciers grâce au prix retiré de la vente.

Les créanciers se retrouvent en concurrence avec d’autres créanciers, notamment ceux qui sont titulaires de sûretés inscrites sur les biens du débiteur (hypothèque, nantissement…) ou de privilèges (notamment les salariés et le Trésor public) et qui bénéficient d’une priorité de paiement.

  • Le classement des créanciers :

En cas de cession dans le cadre de la liquidation, le produit de l’actif sera réparti entre les créanciers qui seront payés selon l’ordre de classement prévu à l’article L.641-13 du Code de commerce :

  • Les créances salariales super privilégiées
  • Les frais de justice nés postérieurement au jugement d’ouverture
  • Les créanciers ayant consenti un nouvel apport en trésorerie au débiteur
  • Les créanciers antérieurs titulaires de sûretés immobilières

Puis, intervient le paiement des créanciers postérieurs :

  • Les créances de salaires dont le montant n’a pas été avancé
  • Les prêts consentis ainsi que les créances résultant de la poursuite d’exécution des contrats en cours
  • Les sommes dont le montant a été avancé en application du 5° de l’article L. 3253-8 du code du travail
  • Les autres créances postérieures, selon leur rang.

Les créanciers antérieurs à l’ouverture de la procédure seront payés après les créanciers postérieurs.

Jurisprudences récentes

Exclusion du paiement préférentiel d’une créance postérieure (Cass. com. 10 mars 2021 n° 19-22.791). En application de l’article L.622-17 du Code de commerce, bénéficient d’un paiement à l’échéance ou par privilège les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période. Cependant, la jurisprudence considère que ne bénéfie pas de ce traitement préférentiel : la créance de dommages-intérêts née de la mauvaise exécution d’un contrat, pendant la période d’observation.

Relevé de forclusion pour une créance postérieure (Cass. com. 9 décembre 2020 n° 19-17.579). La créance née après l’ouverture de la procédure collective, au titre de l’article 700 du CPC, qui n’est pas considérée comme utile à cette procédure, doit être déclarée. Elle est donc susceptible d’un relevé de forclusion si le créancier a tardé à la déclarer.

Poursuite du débiteur après résolution du plan pour inexécution (Cass. com. 9 septembre 2020 n°19-10.206). Le créancier ne peut pas poursuivre son débiteur mis en redressement au titre d’une créance non déclarée pendant et après l’exécution du plan, mais il le peut en cas de résolution de celui-ci et sans encourir la prescription de sa créance.